L'art potier berbère, une très belle histoire de femmes

Publié le par lepotiermarseillais

D'une richesse particulière, l'Art potier berbère est une vraie source d'étonnement !

Sa particularité réside en ces signes graphiques, présentant tous les mêmes motifs de base. Il s'agirait d'une " Ecriture " spécifiquement féminine.

 

Cet art traditionnel s'est mieux conservé sur les poteries anciennes (lampes à huile, plats, cruches, pots à lait, à eau ou à bouillon et gourdes), les décorations murales se trouvant renouvelées tous les ans.

 

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Selon Makilam, « ces signes révèlent la conscience d'autonomie des femmes kabyles et du savoir ésotérique dont elles étaient les seules dépositaires dans la société traditionnelle à l'exclusion des hommes » .

Elle observe que l'écriture symbolique des femmes kabyles n'a depuis jamais fait l'objet d'une étude systématique.

 

Elle situe d'emblée la décoration murale par rapport aux « Portes de l'année » (tibburen ussegwass, expression reprise par Jean Servier pour le titre de son « ouvrage fondamental »), qui délimitent les saisons.

 

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Au printemps, obligatoirement avant les semailles, la femme kabyle « débute le cycle de la poterie en accord avec les interdits de la terre et elle crépit l'intérieur de ses murs avant de les revêtir de peintures magiques », chaque fois uniques.

Après la tonte des brebis, elle commence également à filer la laine puis, pendant l'été, les poteries sont mises à sécher.

Passés les labours elle commence à l'automne de tisser. Dans la société fermée, rurale et pastorale, des Kabyles, en amont de la séparation entre sacré et profane, l'ensemble de ces opérations se fait en accord avec le devenir du milieu naturel, dans une vision cosmique, selon un rituel de pratiques ancestrales transmis de mères en filles.

C'est dans le cadre de l'analyse de ces pratiques que Makilam aborde l'écriture ésotérique des poteries et des décorations murales.

 

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Sans prétendre effectuer le recensement exhaustif des signes conventionnels qui, sous des noms souvent différents selon les femmes et les villages, sont présents dans tout le Djurdjura, l'auteur, autour de huit illustrations, formule l'interprétation de quelques figures particulières:

  • La lampe représente aussi bien l'homme que la femme dont elle figure les parties sexuelles. La cruche est plus particulièrement une figuration de la femme.
  • Les triangles dont le sommet est dirigé vers le bas (la terre) « traduisent le principe primaire de la vie dans le delta fertile du corps de la femme » dont ils glorifient la nature créatrice dans un sens mystique. Les traits parallèles de la partie supérieure représentent les jambes. Dans la partie inférieure du V un point noir (figure n° 1) ou un losange constitue une « porte magique ». Elle peut être figurée par un trait vertical rouge entourés de deux traits noirs (figure n° 2) ou un damier de carreaux noirs et blancs (figures n° 3 et n° 4). Selon l'auteur tous ces dessins qui portent les noms de l'œil ou de la ruche sont des allusions au sexe féminin, nid dont « sort le miel de la Vie semblable à celui des abeilles ]. La base du losange est parfois complété par un « M » représentant les jambes repliées. Ces représentations féminines, loin d'être érotiques ou pornographiques, « ne servent pas non plus à provoquer ou à prôner la fécondité de la femme en réduisant celle-ci à son rôle de reproductrice » : lui rappelant la fonction sacrée de la maternité, elles doivent plutôt être associées à la figure de la Grande Mère universelle.
  • Les triangles dont le sommet est inversement dirigé vers le haut (le ciel) évoquent le principe masculin. Un motif montrant la superposition des deux triangles accompagnés de « M » est analysé par Makilam comme une représentation de l'acte sexuel dont le message ne saurait être réduit à la seule union physique.
  • L'œuf, dessiné sous la forme d'un triangle blanc sans signe de remplissage, est symbole de la naissance et de l'éternité de la germination de la vie.
  • Le palmier (motif relevé par M. Devulder) est un arbre dont les femmes kabyles, dans de nombreux rites de fécondité, associent la datte à la naissance d'un enfant. On peut l'interpréter comme une visualisation de l'étreinte amoureuse.

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La grande part de ces signes semblent ainsi pour l'auteur transcrire « le miracle de la conception d'un être humain dans le ventre maternel », « le principe éternel de la vie qui se perpétue d'une mère à la suivante ».

 

Après cette lecture destinée à un public averti (!!!), je suis certain que vous ne verrez plus du même oeil vos poteries berbères .... N'est il pas ?

 

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